Les membres de la coopérative : Sylvain Clerget
Je m’appelle Sylvain Clerget. Né en 1981, je suis marié et ai quatre enfants, trois filles et un garçon. Je suis installé depuis 2007 sur l'exploitation familiale à Dammartin-les-Templiers dans le Doubs.


Les caractéristiques de la ferme
L’exploitation fait 97 hectares, dont 16 hectares de céréales (orge et meteil). Les 3⁄4 sont destinés à de l‘autoconsommation. Cela permet de dépenser moins en tourteau, en soja et en colza. Face à l’augmentation des prix des céréales, cela me donne plus de souplesse et de flexibilité. Je possède entre 45 et 50 vaches laitières et environ 80 bêtes. Le reste de l’exploitation est constitué de surfaces fourragères, de près de fauche pour le foin.


Une reprise de l’exploitation familiale
La ferme appartient à la famille depuis des générations. J’avoue que j’ai même du mal à compter le nombre de générations. J’ai remplacé mon père en 2007 et travaillé en GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun) avec ma mère pendant une dizaine d’années. Depuis 2017, je travaille seul en EARL. Ma mère continue de m’aider en assurant le soin des animaux. Je m’occupe de tout le reste.
Les points forts de l’exploitation
Mon bâtiment d’élevage se situe sur une parcelle de 40 hectares environ. Cela permet d’avoir de l’espace. J’ouvre les portes de l’étable et les vaches peuveent partir en autonomie et revenir quand elles veulent. C’est un réell avantage. Je n’ai pas à balader les bêtes sur les routes. Mes champs se situent au plus loin à deux kilomètres de l’exploitation. C’est une chance.
Aujourd’hui, j’ai donc un batiment d’élevage et un batiment de stockage de fourrage. Ce batiment me permet de travailler avec un système de fourrage en vrac pour pallier l’achat excessif de tourteau. Mon but ultime est de devenir le plus autonome possible. Je vais parler un peu crument, mais j’en ai marre d’engraisser les commerciaux qui nous vendent des produits qui nous coutent chers. Oui on a un bon prix de lait, donc on peut les acheter, mais on fait automatiquement une marge moins importante.


Une nouvelle approche entre autonomie alimentaire et bien-être animal
Plus jeune, j’avais une logique plus productiviste et essayais de tout faire pour traire.
Donc en gros, je ne regardais pas combien cela me coutait. Mais aujourd’hui, j’ai changé et on ne va pas pousser les vaches pour produire beaucoup de lait pour payer toutes les factures. Je prone le bien-être animal. Donc pour respecter ce bien être il faut commencer par ne pas pousser les vaches à trop produire. Désormais, je fais donc plus attention à la santé et au bien-être animal. Je garde mes vaches jusqu’à dix et douze ans. J’élève moins et sélectionne davantage mes vaches.
Aujourd’hui, je peux traire jusqu’à 260 000 litres à l’année soit environ 6000 kg de lait, soit 6 200 litres de lait par vache. Je pourrais aller à 300 000 litres, mais à quel prix ? L’idée est de travailler la génétique pour obtenir du lait et de réussir à nourrir les bêtes de la façon la plus autonome possible. Et donc produire ce qu’il faut sur la ferme sans acheter auprès des revendeurs.
Donc 2 possibilités : soit tu veux absolument traire plus de lait et donc tu es obligé d'acheter plus d'aliment et donc augmenter tes frais; ou alors tu achètes juste ce dont tes vaches ont besoin pour qu'elles soient en forme et tu restes raisonnable. Alors, tu produis moins de lait mais tu dépenses moins en aliments. Cela veut dire qu’au lieu de traire 35 kg, tu vas traire 25 kg de lait. Tu vas donc perdre 10 kg de lait sur ta vache. Mais combien ça t’a couté pour passer de 25 à 35 kg ? Je fais des meilleures années depuis que je suis passé à 25kg de lait produit par vache. Ill y a des années ou je fais 10 000 kg de lait en moins, mais je gagne 20 000 € en plus. Tous les agriculteurs n’ont pas cette philosophie. De mon côté, ce changement je l’ai fait à 35 ans entre autres à cause d’accident de la vie et des questions. Je ne dis pas que ce choix est parfait, mais moi je me retrouve dans un système qui me ressemble plus et dans lequel je veux travailler. Cela me permet de produire du lait de bonne qualité tout en veillant à la bonne santé de mon troupeau.


Des engagements pour l’agriculture et un rôle de père
Il est vrai que l'exploitation prend beaucoup de temps. Cependant, je réussis à partir dix jours en vacances et parfois quelques week-ends. Je suis aussi papa de quatre enfants. Ils me prennent beaucoup de temps. En semaine, je consacre généralement le mercredi pour m’occuper d’eux. On déjeune également ensemble le midi. Contrairement à l’emploi du temps de ma femme, l’avantage du métier est de pouvoir se libérer facilement. À l’avenir, je ne souhaite pas forcément que mes enfants reprennent l’exploitation. Je les aiderai s’ils le souhaitent mais ne les forcerai pas à devenir agriculteurs. La plupart de mes amis ne viennent pas du milieu agricole. Comme activité, j’aime pratiquer le vélo. À côté de cela, j’ai une vie sociale.
Comme activités annexes, je suis administrateur à la coopérative du Plateau de Bouclans et président de CUMA (Coopérative d'Utilisation de Matériel Agricole en commun) et délégué MSA (secteur et département).
Prévenir les risques de suicide chez les agriculteurs
Aujourd’hui, je m’implique également dans la prévention des risques de suicides chez les agriculteurs. Je milite sur ce thème qui est difficile à déceler. Dans notre métier, l'agriculteur peut être très isolé. On ne voit pas forcément s'il va mal. On passe tous des moments difficiles dans notre milieu professionnel. Moi le premier, des fois ça ne va pas bien, mais j’ai ma famille qui m’aide. Mais certaines personnes peuvent cacher leurs problèmes, même à leur entourage proche.
Il n'est donc vraiment pas simple de déceler la souffrance d'un agriculteur. Il me paraît donc important de m’impliquer dans cette prévention. On ne peut pas apporter de l'aide à celui qui ne la demande pas, ce n'est donc vraiment pas simple comme situation.
Et encore plus aujourd’hui, nous sommes tous confrontés à des moments difficiles comme à des problèmes de trésorerie. Même si ça ne dure pas longtemps, quelqu’un qui est un peu sensible, cette situation peut être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il est difficile de savoir si une personne se sent réellement bien ou non. Dans le métier, il y a une certaine fierté. C'est difficile d'admettre que la situation est complexe.



Faire partie de la coopérative : une vision globale et des rôles multiples
Je me considère comme producteur de lait, comme fabricant et comme vendeur. Cela me plaît de faire partie de la coopérative.
Plus qu'un mode de vie professionnel c'est une vraie philosophie d'engagement. Je travaille essentiellement avec des coopérateurs comme mon fournisseur d’animaux et l'insémination de mes bêtes qui sont eux aussi des coopératives.
Au sein de la coopérative de Bouclans, je suis responsable de la commission communication. J'aime promouvoir notre terroir et l'image de notre coopérative.
La force de notre coopérative réside dans les qualités et dans les compétences de chaque membre impliqué. Nous sommes bien entourés et pouvons compter sur l’aide et le soutien de techniciens. FRCL ou CTFC en cas de problème.
Le Plateau de Bouclans : un territoire privilégié
Nous sommes en zone premier plateau du Jura à environ 450 mètres d’altitude et faisons partie des premières coopératives. Aujourd’hui, nous avons la facilité de cultiver de la céréales pour être autonome. Nous souffrons de la sécheresse, mais nous avons encore de l’eau. Sur mon exploitation, j’ai la chance de posséder des haies de chênes de deux cents ans. J’ai aussi planté 2 500 arbres dans des champs qui n’avaient jamais eu un seul arbre. Les haies créées bénéficient à la faune sauvage et favorisent les oiseaux. Mais en plus les haies apportent un certain confort à mes vaches. Ça les protège de la bise et leur amène de l’ombre. Par temps sec, cela facilite l'infiltration d’eau et garde l’humidité. Aussi, j’essaie de tout faire pour que mes vaches se sentent bien et soient protégées.
Les avantages du métier d’agriculteur
Il y en a beaucoup des points positifs ! c’est donc difficile de dire les bons. J’apprécie particulièrement de travailler dans la nature, de l'entretenir en travaillant avec mes vâches. C’est une satisfaction de travailler la terre pour les nourrir.
Je suis content d'aller travailler en me levant le matin. Même si je me pose souvent des questions, surtout arrivé à 40 ans, on refait un peu le fil de son histoire, cela n'empêche que j'apprécie mon métier et j'en suis fier. Et aussi et surtout, selon moi, fabriquer du bon lait et du bon fromage AOC représente une richesse. En tant qu’agriculteurs, nous sommes soigneux et veillons au mieux à nos vaches. Malgré les aléas et les difficultés, il est certain qu’il faut aimer et respecter au mieux la nature. Etre agriculteur c'est avant tout un métier passion.


Des solutions face à la sécheresse
Mon objectif est de décaler la fenaison. En principe, dans le système traditionnel en réalisant des balles rondes de foin, je suis tenu de réaliser les foins fin mai, début juin. Avec mon système de fourrage en vrac, je peux commencer mes foins plus tôt et réaliser une seconde coupe en avance. En cas de sécheresse, cette façon de procéder permet d’anticiper le besoin en foin et d’avoir du stock. Mais, on manquera de volume par rapport à une année « normale ». Sachant que la nature commence à pousser au 10 avril en moyenne, si on coupe du foin au 10 mai au lieu de fin mai, on aura moins de volume car moins de temps de pousse du foin. Mais si on a une sécheresse qui commence tôt, on pourra couper 2 fois avec le système vrac, plutôt qu’une fois avec le système balle ronde.
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