Les membres de la coopérative : Stéphane Sauce
Je suis Stéphane Sauce, agriculteur en GAEC (Groupement Agricole d'Exploitation en Commun), avec Yvan Grandperrin. Nous sommes deux associés sur l’exploitation, possédons 190 hectares de terres agricoles et 170 animaux. Une trentaine d’hectares sert à la production de céréales destinées à l’alimentation de nos vaches. Nous produisons environ 550 000 litres de lait par an.
Le lait, le Comté AOC et l’engagement coopératif dans notre ADN
Notre appartenance à la coopérative est historique et familiale. Chacun de nous deux a hérité de l'exploitation de son père. Avant, nous étions adhérants et on livrait notre lait à la fruitière située à Nancray puis nous avons accompagné la fusion entre les fruitières du premier plateau pour bâtir la coopérative du Premier Plateau à Bouclans : La Coopérative du Plateau de Bouclans était née.
La production de lait, le Comté, l’engagement et l’esprit coopératif ont toujours été ancrés dans l’histoire familiale.
Mon père a entamé une retraite bien méritée il y a quelques années, sa passion pour ce métier l'amène encore à s'y impliquer. Il continue de s'investir ponctuellement dans l'exploitation, apportant son aide précieuse lorsque nécessaire.
Dans l’agriculture, la passion est au cœur de l'activité, ce qui explique pourquoi il est difficile pour de nombreux agriculteurs de tourner définitivement la page une fois à la retraite. Cette réalité ne se limite pas à l'agriculture ; on la retrouve également dans des métiers artisanaux, médicaux ou tout autre domaine où l'amour du travail est très présent.
Mon père reste étroitement attaché à l'exploitation. Pour lui, s'en éloigner complètement ou partir à l'autre bout du monde sans avoir un œil dessus est tout simplement inimaginable.
“Le lait et le Comté nous coulent dans les veines depuis des générations”.
Une exploitation AOC en zone sensible et stratégique de captage
Nous sommes situés à Nancray dans le Doubs, sur la zone de l’AOP Comté à une altitude de 450 mètres et en périphérie de Besançon, la capitale de la Franche-Comté. Nous sommes sur “une zone de captage”. Cela signifie que nos terrains de 190 hectares se situent sur la zone qui alimente en eau Besançon et les communes alentour.
Depuis vingt ans, un travail d’envergure est réalisé pour réduire l’usage de produits phytosanitaires. L’objectif est d’impacter le moins possible l’eau courante. Cette situation est bénéfique et représente une force pour notre exploitation. Elle nous permet une plus grande flexibilité dans nos usages et dans nos méthodes de production.
Notre production s’avère équivalente à celle d’autres producteurs avec une consommation d’intrants plus réduite.
Des investissements porteurs au bénéfice de tous
Nous avons récemment investi dans un bâtiment “vache laitière”. Ces meilleures conditions d’installation impactent positivement la production de lait. Nos vaches s’y plaisent et cela se traduit par la qualité de notre lait. Les résultats des analyses sont très bons. Yvan et moi-même produisons donc un lait de qualité nécessaire à la fabrication de Comté AOP dans notre fromagerie à Bouclans.
Au niveau humain, cet investissement nous permet également d’améliorer nos conditions de travail.
L’autre point fort est de travailler avec d’autres agriculteurs en investissant tous ensemble sur le matériel par exemple. Nous réalisons des économies en achetant ensemble du matériel performant et de qualité. Encore une fois, cela joue favorablement sur nos conditions de travail.
Une passion profonde pour l’agriculture et de nombreux engagements
Je suis beaucoup investi dans le monde agricole et suis notamment élu au Syndicat agricole de la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) qui soutient la promotion, le développement et la défense du métier.
Je suis aussi élu à la chambre d’Agriculture du Doubs Territoire de Belfort et chargé du dossier environnement (réflexions sur l’eau et sur les impacts du changement climatique, etc.).
En plus de ces fonctions, je suis également élu à la Chambre régionale d’agriculture en charge du dossier sur la valorisation des ressources locales. Cela concerne les petites filières (héliciculture, trufficulture, etc.).
En plus de ces activités, je suis aussi élu au conseil municipal de mon village et président du club de football FC Premier Plateau.
La force du collectif au bénéfice de la coopérative
J’ai toujours eu à cœur de m’investir dans le monde associatif et apprécie beaucoup de travailler en groupe. La Coopérative laitière du plateau de Bouclans m’intéresse vraiment. Quels que soient les soucis ou les problématiques, nous avançons ensemble et nous entraidons.
Observer ce qui se fait ailleurs permet à la fois d'apporter de la valeur au groupe, mais également de relativiser certaines difficultés.
La force de la filière Comté entre adaptation et esprit d’équipe
Dans la production du Comté, c'est une force de pouvoir travailler sur toute la filière et d'ajuster l'offre en fonction de la demande. La filière, c'est :
- Les agriculteurs, on a le côté producteur de lait.
- Le fromager qui pour lui son métier c'est de fabriquer le comté.
- Les affineurs s’occupent d’assurer un bon vieillissement du comté qui est vendu avec un minimum de 8 mois d’affinage. Dans nos magasins nous proposons 3 types de comté correspondant à 3 types de vieillissement ;
- Les metteurs en vente commercialisent à grande échelle nos comtés. Nous gardons la maitrise de la vente directe sur nos territoires.
Nous travaillons tous ensemble pour faire avancer le produit, l'améliorer et respecter le cahier des charges.
La filière nous demande de moins produire parce que la demande diminue. C'est cette gestion qui fait la force du Comté. C’est difficile pour nous, producteurs, car tout est prêt : les vaches produisant du lait et les hangars sont pleins. Mais pour garantir que le Comté soit bien valorisé et vendu au bon prix, il faut éviter de trop en produire, sinon les prix baissent.
Les métiers de l’agriculture
Nous avons la chance d'avoir des écoles dédiées à l'agriculture. Ces formations ouvrent la porte à de nombreux métiers liés à ce domaine : vétérinaire, mécanicien, technicien, commercial… On peut donc rejoindre une filière agricole sans nécessairement devenir un agriculteur.
Nous cherchons à attirer les jeunes et les moins jeunes. Le métier d’agriculteur est désormais moins exigeant physiquement, ce qui le rend accessible à un plus grand nombre. L'objectif est de renouveler les générations pour maintenir un nombre suffisant d'agriculteurs capables de produire localement du Comté.
Il est essentiel de préserver nos productions traditionnelles comme le Comté, la viande et les céréales, mais aussi d'intégrer de nouvelles cultures pour répondre à la demande des consommateurs. Ces derniers souhaitent consommer local, pas seulement du Comté, mais aussi des produits comme des salades, des betteraves ou même des œufs.
Ces activités sont complémentaires et doivent trouver leur place dans notre modèle. L'objectif est de permettre à chacun, dans sa spécialité, de contribuer à une offre locale variée.
Nous devons aussi rendre ce métier attractif pour encourager de nouvelles vocations dans le monde agricole.
Par exemple, installer des maraîchers, pour produire des fruits et légumes. Cela ne nécessite pas de grandes surfaces, et 2 ou 3 hectares sur une exploitation ne mettront pas en péril son fonctionnement.
Un métier passion et une qualité de vie inégalable
Il y a beaucoup d’avantages à être agriculteur et j’apprécie beaucoup ma qualité de vie.
Malgré certaines contraintes, j’ai la chance de passer beaucoup de temps en famille. Nous n’avons pas besoin d’utiliser la voiture tous les jours car nous vivons en plein cœur du village de Nancray. Nous ne sommes pas confrontés au stress lié au transport et à la circulation. Entre agriculteurs nous avons une solidarité et un service de remplacement existe, nous arrivons donc à nous arranger facilement afin de prendre quelques jours de vacances. Il ne faut pas pour autant diminuer certains aspects plus difficiles (complexité des réglementations et évolution des normes), notre profession est riche et permet de “toucher à tout" (comptabilité, agronomie, bien-être du vivant, communication et marketing….)
“Aujourd’hui, je suis un petit peu comptable, un petit peu mécanicien, vétérinaire…”
L’agriculteur participe à la beauté et l’entretien de la nature en France.
Sur notre département, le Doubs, on doit avoir 14 000 kms de haies. On est donc un département très bien fourni. Mais on remarque que sur certaines zones on n’a pas assez de haies. Il faut donc replanter.
Sur notre exploitation, par exemple, on a ciblé 2, 3 endroits et on va planter en tout 1 km de haie cette année. Ce sont des endroits où cela nous paraît important de recréer un linéaire de haies. Ces haies n’ont jamais existé, on a recherché dans les archives.
On choisit donc des plans qui s'adaptent au mieux au chaud, qui poussent assez facilement, qui vont servir un peu d'abri pour les vaches. On remarque aussi très clairement qu’avec une haie on a une tendance à augmenter la capacité de rétention en eau du sol. Donc toutes ces choses-là nous disent qu’aujourd’hui, il faut qu'on avance. Et en plus ce sont des haies qui sont choisies et donc qui facilitent le passage des machines, des vaches.
L’obligation de s’adapter au changement climatique
Cela fait déjà plusieurs années que l’on ressent les évolutions du climat et ses conséquences. On doit donc s’adapter. Avant, nous cultivions un peu plus de céréales. Depuis trois ans, nous avons entrepris de réduire nos cultures de céréales et d’en produire uniquement pour nos vaches laitières et génisses. À la place, nous avons introduit des légumineuses (luzernes, sainfoin) plus à même de s’adapter à un climat plus sec. Encore une fois, il s’agit également de s’intéresser à ce qui se met en place ailleurs, dans d’autres départements plus au sud. Il s’agit aussi de former les techniciens et les agriculteurs aux changements.
- On essaie de faire un petit peu les choses différemment et par exemple de bien utiliser notre fumier, c’est-à-dire les déjections des vaches, des génisses. On fait tout pour le garder et l'utiliser à des bonnes périodes, cela veut dire pas forcément le mettre pour le mettre, mais le mettre à des périodes vraiment intéressantes pour la plante pour qu’elle s’en serve au maximum au niveau azote.
- Pour revenir à l’engrais, moi j'ai toujours gardé le même budget engrais sur mon exploitation. Et au lieu d’avoir un gros tas, et bien aujourd’hui, j’ai un plus petit tas. C’est un peu basique de dire ça mais c'est que de toute façon on ne pourra pas suivre l'évolution du coût. C'est impossible de suivre. On va trouver d'autres solutions.
- Sur notre exploitation, on est rentré dans les PSE, paiements pour services environnementaux, on regarde 190 hectares de l’exploitation, ce qu’on met comme produit, comme engrais, où se situent les haies. Et sur chaque critère, on doit s'améliorer en 5 ans. Si on arrive à s’améliorer on nous donne une compensation. En 2022 ça a été très chaud, ce sont que les champs de légumineuses qu'on a pu couper plusieurs fois et qui on repoussés. Si ce n’était pas des légumineuses, on aurait réalisé q’une coupe.
- Dans le cadre des PSE, on a 2 critères à aller regarder chaque année, je dois aller compter les verres de terre sur 2 champs tests et ça pendant 5 ans. Donc je peux voir l’évolution, si on a baissé en verre de terre ou si on a augmenté.
- Et moi j’ai aussi un protocole papillon. Sur 3 haies, je dois suivre tous les 3 mois en été, donc 3 fois par an à peu près, je dois aller compter les papillons. Et cela permet de savoir quel papillon est sur les champs. Et au bout de 4, 5 ans de nous dire que par notre façon de faire, notre façon de travailler on a évolué en termes de nombres de verres de terre ou de papillons. Et cela nous permettra de communiquer aussi sur notre secteur.
En effet on entend qu’on perd de biodiversité en France et dans le monde et donc chez nous aussi. Mais ces calculs permettent de se rendre compte ce qu’il se passe exactement dans notre secteur à nous et voir si ce que nous mettons en place entraine des résultats.
“Aujourd’hui à Besançon, on a le climat de Lyon d’il y a cent ans.”
- D’un point de vue environnemental, nous veillons à protéger et à entretenir nos sols (reboisement pour faciliter la rétention d’eau) et sommes rentrés dans les PSE (paiements pour services environnementaux). L’objectif est de nous améliorer et de nous engager pendant cinq ans à protéger la nature et l’écosystème. Pour faire face aux contraintes énergétiques, nous réfléchissons également à installer du photovoltaïque sur nos toits.
En termes d'énergie :
- On a la chance d’avoir beaucoup de surface de toit. Nous pouvons donc utiliser l’Energie photovoltaïque et donc produire de l’énergie et de se rapprocher d’une « certaine autonomie ». On peut dire en quelques sortes que le Comté rentre dans l'alimentation durable.
- On a aussi de plus en plus d’exploitations qui sont en polyculture élevage (de l'herbe, un petit peu de céréales.)
- Le comté est fabriqué dans notre fromagerie située à quelques kilomètres de notre ferme, donc un bilan carbone faible
- Le comté est un vieux produit car il est fabriqué depuis 100 ans. Mais avec tout ce que je viens de dire, on peut se rendre compte qu’il s’est s’adapté à la modernité.
On met donc moins de camion sur la route. Et ça permet de recentrer les choses.
Maintenant au niveau énergie, on se pose beaucoup de question, on est comme tout le monde, on ne sait pas trop ou on va aller. Tout ce qui est engrais ça à des évolutions qui sortent de la norme.
“Aujourd’hui, le métier d'agriculteur est plus facile physiquement. Nous essayons d’attirer les nouvelles générations. Le monde agricole fait partie de notre Histoire.”