🧀 Présentation de la Fromagerie de Bouclans

Nichée au cœur du Doubs, la fromagerie de Bouclans est l'un des joyaux de la Coopérative du Plateau. C'est ici que, chaque jour, se perpétue un savoir-faire artisanal au service d'un produit d'exception : le Comté.

Une production engagée et maîtrisée

Chaque année, ce sont près de 5 à 6 millions de litres de lait qui sont transformés dans notre fromagerie, essentiellement dédiés à la fabrication du Comté AOP. À côté de cette production phare, notre équipe élabore également, en plus petites quantités, des yaourts, fromages blancs, laits entiers pasteurisés et du beurre de baratte. Tous ces produits sont exclusivement destinés à nos magasins de la Coopérative, afin de garantir une traçabilité, une fraîcheur et une qualité optimales.

Une filière de qualité, de la fabrication à l'affinage.

Le Comté que nous produisons est en partie commercialisé dans nos points de vente, mais l'essentiel de notre production est confié à notre affineur partenaire : Monts et Terroirs. Les meules de Comté restent environ 15 jours à 3 semaines dans notre cave de pré-affinage, attenante à l'atelier de fabrication, avant de poursuivre leur maturation dans les caves spécialisées de Monts et Terroirs.

Une organisation rigoureuse, au rythme du lait

Notre cave de pré-affinage peut accueillir 1 000 meules, réparties en deux caves de 500 places. Dès qu'une cave est remplie, nous lançons un roulement logistique avec notre partenaire affineur. En période de haute production – comme au mois d'avril – nous réalisons jusqu'à 3 expéditions par mois, avec 500 meules chargées par camion. En période plus creuse, notamment l'été ou en cas de sécheresse, ce rythme ralentit à 2 expéditions mensuelles, toujours avec le même soin et la même régularité.

🧀 La vie de nos fromages : un parcours d’excellence

À la fromagerie de Bouclans, nous élaborons des meules de Comté selon un savoir-faire rigoureux, mais la fabrication n'est que la première étape de leur longue maturation.

Une fois sorties de notre cave de pré-affinage, nos meules sont envoyées chez notre partenaire affineur, Monts et Terroirs. À ce stade, on parle de "fromage en blanc", c'est-à-dire non affiné, encore trop jeune pour être consommé. Ces meules ne sont ni prêtes à la vente ni à la dégustation.

Le rôle de l'affineur : patience et précision

Conformément au cahier des charges de l'AOP Comté, chaque meule doit rester au minimum 4 mois en cave d'affinage. L'affineur est responsable de cette étape cruciale : il suit, retourne, frotte, évalue et décide du moment optimal pour chaque fromage.

À partir du moment où les meules quittent notre fromagerie, elles ne nous appartiennent plus. Elles sont vendues en blanc à l'affineur, qui prendra ensuite en charge leur commercialisation, à moins que nous ne souhaitions cupérer certaines meules pour les proposer dans nos propres magasins de la Coopérative.

Une organisation sans cave de vieillissement

Notre fromagerie ne dispose pas de cave d'affinage longue durée : nous nous concentrons exclusivement sur la fabrication, que nous maîtrisons de A à Z. L'affinage est ainsi confié à des spécialistes, garants du goût et de la qualité finale de chaque meule. Ce choix nous permet de nous consacrer pleinement à la qualité du lait, de la transformation et du suivi des premières semaines de vie du fromage.

👨‍🏭 Une équipe passionnée au service du goût

Derrière chaque meule de Comté fabriquée à Bouclans, il y a une équipe soudée, compétente et engagée. La fromagerie compte aujourd'hui 4 salariés à temps plein ainsi qu'un apprenti, tous mobilisés pour garantir la qualité des produits issus de la Coopérative.

Benoît – Maître fromager

Responsable de l'atelier, Benoît pilote l'ensemble de la production. Il encadre son équipe, organise les plannings de fabrication et veille à la qualité constante des fromages.

Thomas Devaux – Second fromager

Arrivé en tant qu'apprenti, Thomas fait partie de l'équipe depuis plus de trois ans. Embauché à la suite de sa formation, il est aujourd'hui un second de confiance, formé sur l'ensemble des étapes de la production.

Vincent Coltel – Second fromager

Vincent a rejoint la fromagerie avec un parcours atypique. Issu de l'hôtellerie, il découvre le métier de fromager un peu par hasard… mais y trouve rapidement sa vocation. Formé intégralement sur place, il a su démontrer un bel engagement et a rapidement acquis les compétences pour devenir second, au même titre que Thomas.

Alexandre Donnay – Aide-fromager

Dernier arrivé dans l'équipe, Alexandre dispose d'une formation en fromagerie. Il apporte un soutien essentiel à la production quotidienne et poursuit son évolution au sein de l'atelier.

Une organisation pensée pour la fiabilité

Pour assurer la continuité de la production, l'atelier est structuré autour de deux seconds. Si l'un est officiellement en poste de second principal – pour assurer le relais avec le maître fromager en cas d'absence – chacun des deux est autonome sur la fabrication. Cette organisation permet souplesse, réactivité et efficacité, tout en offrant une vraie dynamique de transmission au sein de l'équipe.

👨‍🏫 Benoît Parrod, Maître fromager à Bouclans

Je m'appelle Benoît Parot, et je suis maître fromager à la Coopérative de Bouclans depuis maintenant 3 ans, où j'ai pris la relève de Philippe Guillaume, parti en retraite en juin 2022.

Un parcours ancré dans la tradition fromagère franc-comtoise

Mon parcours a débuté par une formation agricole, avec un baccalauréat technologique agricole. J'ai ensuite rejoint l'ENIL de Mamirolle, une école de référence dans la filière laitière, pour y suivre un BTS en formation initiale.

Après ce BTS, j'ai souhaité approfondir mes compétences en me spécialisant dans les fromages de ma région. J'ai ainsi poursuivi avec un Certificat de Spécialisation (CS) "Fromages traditionnels", une formation d'un an entièrement dédiée aux fromages franc-comtois – notamment le Comté, mais aussi le Morbier. Nous n'étions que 7 élèves dans cette promotion, une petite classe tournée vers l'excellence. Cette année fut décisive : nous y avons découvert l'ensemble de la filière Comté, de la fabrication aux acteurs institutionnels comme le CGC (Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté), la FRCL, ou les syndicats de fromagers.

C'était une formation taillée sur mesure pour former les futurs maîtres fromagers des coopératives. Depuis, le CS a évolué en licence "Fromagerie traditionnelle", plus généraliste, ouverte à d'autres fromages régionaux et à la production fermière.

Un savoir-faire forgé sur le terrain

J'ai réalisé mon année de CS à la fromagerie de Passavant, non loin d'ici. J'y ai ensuite été embauché comme second fromager, où je suis resté 5 ans. J'ai ensuite occupé pendant 9 ans le poste de maître fromager à Montlebon, dans le Haut-Doubs, près de Morteau.

Aujourd'hui, je mets toute cette expérience au service de la fromagerie de Bouclans, dans le respect des traditions fromagères, de la qualité des produits, et du travail d'équipe.

À côté de la vie professionnelle, qui êtes-vous ?

Je suis marié et père de trois garçons. L'aîné a bientôt 9 ans, et j'ai eu ensuite des jumeaux… ce qui fait que j'ai eu trois enfants en l'espace de 18 mois. Autant dire que les premières années ont été sportives ! Et même aujourd'hui, les journées restent bien remplies entre l'école, les activités, le sport… Il faut les emmener à droite à gauche, et ça occupe bien.

On a fait le choix, avec ma femme, de préserver au maximum la qualité de vie de nos enfants. Elle les emmène à l'école le matin, et de mon côté j'essaye toujours d'être disponible pour les récupérer à la sortie des classes. J'organise mon travail en conséquence pour éviter qu'ils aillent au périscolaire le soir. C'est un équilibre qu'on a trouvé en famille, et qui me tient à cœur.

Avant, je faisais beaucoup de sport, mais j'ai dû lever un peu le pied avec les années. Aujourd'hui, je me tourne davantage vers des choses plus tranquilles : le jardinage, les balades, le contact avec la nature… c'est ce qui me ressource.

Vous êtes originaire du Plateau de Bouclans ?

Pas très loin, en tout cas. Je suis originaire de Laviron, à côté de Pierrefontaine-les-Varans, et aujourd'hui je vis près de Vercel. J'ai environ 20 minutes de route pour venir travailler à la Coopérative. Je connais donc bien la région, ses paysages… et aussi ses habitants.

🔎 Une traçabilité rigoureuse pour chaque meule

Chaque meule de Comté produite à la fromagerie de Bouclans est identifiée avec précision dès sa fabrication, garantissant une traçabilité complète à chaque étape.

Une traçabilité de la cuve à l'affinage

Dès la fabrication, chaque fromage est associé à :

  • la date de production,
  • la cuve utilisée,
  • et les opérateurs présents.

Tant que la meule est entière, cette traçabilité reste parfaitement lisible. Cela nous permet, si besoin, de faire revenir des meules spécifiques depuis les caves de notre affineur.

Nous faisons revenir en magasin des Comtés affinés à 4 mois + à 11 mois : pour cela, nous identifions les meules à l'avance et demandons à l'affineur de les bloquer spécialement pour nous.

Une plaque d'identification réglementée

Chaque meule est marquée d'une plaque de caséine, une petite pastille verte apposée sur le côté du fromage. Elle contient plusieurs informations clés :

  • Le mois de fabrication (par exemple : mai),
  • Un numéro unique attribué dans l'ordre de fabrication (ex. : 1000 = 1000e fromage fabriqué ce mois-là),
  • Les deux lettres d'identification propres à chaque fromagerie.

Pour la fromagerie de Bouclans, le code est "GE", délivré par le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté (CGC). Ce marquage officiel permet d'assurer une transparence totale sur l'origine et la qualité du produit.

🧀 Une fromagerie à taille humaine, en plein cœur du village

La fromagerie de Bouclans transforme chaque année environ 6 millions de litres de lait. Ce volume nous place dans la moyenne des coopératives produisant du Comté :

  • Les plus petites fromageries de la filière travaillent autour de 3 millions de litres/an,
  • Les plus grandes peuvent dépasser les 11 millions de litres/an.

Notre production artisanale s'inscrit ainsi dans une échelle maîtrisée, respectueuse du rythme de notre territoire et de nos équipes.

Une coopérative, pas une usine

Si l'on compare avec les volumes des grandes industries fromagères nationales, notre activité reste très modeste. Les grandes marques industrielles produisent en effet des tonnages bien plus importants, avec des process largement automatisés.

Chez nous, chaque fromage est suivi, façonné et contrôlé avec soin, par une équipe passionnée, présente à chaque étape de la fabrication. C'est cette approche artisanale et humaine qui fait toute la différence, tant en termes de qualité que de proximité.

🧀 Une journée type à la fromagerie de Bouclans

À Bouclans, une journée type est rythmée par la fabrication du Comté, notre cœur de métier. Les autres fabrications, comme les yaourts, la beurre ou la crème, se font plus ponctuellement, environ une fois par semaine.

⏰ 05h00 – Démarrage de la journée

La journée débute entre 5h00 et 5h30, en fonction du volume de lait à transformer. Nous évitons de commencer plus tôt pour ne pas entrer dans le créneau des heures de nuit, selon la convention collective. Notre objectif est de concentrer la journée de travail sur une plage de 05h00 à 12h00, ce qui permet une organisation efficace et respectueuse du rythme de l'équipe.

🧊 Démoulage des fromages de la veille

La première étape est le démoulage des meules de Comté fabriquées la veille. Chaque meule est restée au minimum 6 heures sous presse, comme l'exige le cahier des charges. Il n'y a pas de durée maximale, donc nous laissons les fromages presser toute la nuit, ce qui évite de devoir revenir les démouler le soir même.

Le démoulage consiste à retirer toutes les pièces du moule, laver les équipements, puis à descendre les meules en cave pour le salage, réalisé manuellement sur les deux faces. En Comté, le salage n'intervient pas pendant la fabrication, mais uniquement en cave, après démoulage.

🥛 Ramassage du lait

Les producteurs de la coopérative effectuent deux traites par jour, comme l'exige la réglementation. Le lait est stocké à la ferme, puis ramassé une fois par jour, la nuit, après la traite du soir. Le transport du lait est sous-traité à un prestataire, car cela nécessiterait la gestion d'un camion, de son entretien, et le permis poids lourd – ce qui serait trop contraignant pour l'équipe.

Nous avons jusqu'à 12h00 le lendemain pour transformer ce lait en Comté. Cela nous laisse un peu plus de 24h de délai entre la première traite et l'emprésurage.

🔬 Lancement de la fabrication

Une fois les fromages de la veille démoulés, nous lançons la fabrication du jour.

  1. Réchauffage du lait :
    Le lait est d'abord transféré dans les cuves et chauffé de 12°C (température de stockage) à 31°C, température idéale pour la fermentation.
  2. Ajout des levains :
    Nous ajoutons ensuite des levains naturels, cultivés à partir du sérum de la veille (le petit lait). Ce levain est en quelque sorte notre "levain maison", comme en boulangerie, mais adapté au lait.
    🔎 Le cahier des charges du Comté impose l'usage de deux levains "sauvages", issus de notre propre flore, sans recours à des ferments industriels ou congelé
  3. Maturation :
    Le lait est maintenu à 30-31°C pendant environ 1h à 1h30, pour permettre aux bactéries du levain de se développer. Cette étape acidifie doucement le lait et le prépare à la coagulation.
  4. Emprésurage :
    Nous ajoutons ensuite la présure, une enzyme extraite de la caillette (estomac) du veau. Cette enzyme coupe une protéine hydrophile du lait, qui devient alors hydrophobe et rejette l' C'est cette réaction qui transforme le lait en gel solide, semblable à un flan.

🔪 Décaillage et extraction du sérum

Une fois le lait coagulé, on procède au décaillage, c'est-à-dire à la découpe du caillé en petits grains. Cette étape permet de faire ressortir le sérum (le petit lait). Plus les grains sont fins, plus on extrait d'eau.

En Comté, on cherche une pâte plutôt sèche, contrairement à un fromage comme le camembert, qui conserve plus d'humidité et reste mou. Le décaillage est donc fin, pour obtenir cette texture ferme caractéristique du Comté.

👉 Cette organisation rigoureuse, mêlant respect des traditions, exigences du cahier des charges AOP et adaptation aux contraintes humaines et techniques, permet à notre équipe de produire chaque jour un Comté de grande qualité, fidèle au savoir-faire franc-comtois.

🧀 Quelle est la différence entre une pâte molle et une pâte dure ?

La différence entre les types de fromages tient principalement à la quantité d'eau qu'ils contiennent encore après fabrication.

  • À une extrémité, on trouve le fromage blanc, qui est très riche en eau, presque liquide.
  • Ensuite viennent les pâtes molles (comme le brie ou le camembert).
  • Puis les pâtes pressées non cuites comme le Morbier ou la raclette.
  • Puis les pâtes pressées cuites, comme le Comté ou le Beaufort.
  • Et enfin, à l'extrême opposé, des fromages très secs comme le Parmesan.

👉 Plus on retire d'eau, plus le fromage devient dur… et plus il peut se conserver longtemps.
Par exemple, une pâte molle va s'affiner en 45 jours environ, alors qu'un Comté peut aller jusqu'à 36 mois d'affinage !

⚙️ Comment obtient-on une pâte dure ?

Pour obtenir une pâte dure, il faut extraire un maximum d'eau dès les premières étapes de fabrication. Cela passe par un décaillage fin, c'est-à-dire couper le caillé en grains de la taille d'un grain de riz ou de blé. Plus ces grains sont petits, plus ils libèrent de sérum (petit-lait).

🔪 Le décaillage : une étape clé

  • Le décaillage dure environ 5 minutes.
  • Il faut aller vite : si on tarde trop, le caillé se durcit, forme une peau extérieure et devient difficile à couper. On risquerait alors de pousser le caillé au lieu de le trancher, ce qui nuit à la qualité
  • L'outil utilisé s'appelle un "tranche-caillé", fixé sur les bras motorisés des cuves. Il ne sert qu'à couper.

⚠️ Dans les industries fromagères classiques, certains outils combinent brassage et découpage dans un même mouvement. Mais en Comté, ce type d'outil est interdit par le cahier des charges.

👉 Pourquoi ? Parce qu'on veut que le fromager soit actif et vigilant à cette étape : il doit changer manuellement les outils pour passer du découpage au brassage. Ce geste permet un contrôle direct de la consistance du caillé.

🧰 Des outils lourds… mais bientôt plus légers ?

Les tranche-caillés sont des outils imposants et lourds, adaptés aux grandes cuves. Ils doivent être montés et démontés manuellement. Pour alléger cette charge, certains fabricants proposent désormais des outils en titane, plus légers mais plus coûteux.

  • Actuellement, nos outils ne sont pas en titane, mais en inox plus ancien.
  • Le poids des outils peut dépasser 20 kg. Comme nous n'avons pas de femmes dans l'équipe, cela reste conforme (le poids maximum autorisé en port manuel est de 40 kg pour un homme, 25 kg pour une femme).

🔥 Après le décaillage : le chauffage

Une fois le caillé découpé, on retire le tranche-caillé et on installe les brasseurs. C'est le début de l'étape de chauffage, qui viendra encore assécher le grain et affiner la texture.

🔬 Le rôle des bactéries dans le fromage

Pendant la fabrication, on passe de 30°C, température dite de maturation du lait, à 55,7°C. C'est notre propre réglage ici : chaque fruitière a ses habitudes, tant qu'elle respecte le maximum autorisé de 57°C pour le Comté. Cette montée en température se fait en environ 30 minutes, de façon progressive, pour ne pas stresser brutalement les bactéries.

🌡 Pourquoi chauffer lentement ?

Parce que certaines bactéries sont sensibles à la chaleur. À mesure que la température monte :

  • Les bactéries mésophiles, utilisées au départ pour initier la fermentation (issues de la maturation), meurent. Elles ne supportent pas des températures au-delà de 40-45°C.
  • En revanche, les bactéries thermophilescelles qui aiment la chaleur – continuent de survivre. Ce sont elles que nous voulons préserver, car elles sont essentielles à l'acidification du fromage, et donc à sa texture et à sa structure finale.

Même si elles sont mises sous stress thermique (on dépasse leur température idéale de développement), elles survivent. Et dès que la température redescend, elles reprennent leur activité et se multiplient à nouveau.

🛡 Une protection naturelle contre les pathogènes

Le chauffage du lait cru joue un rôle fondamental dans la sécurité sanitaire du Comté.
Les températures atteintes (au-delà de 50°C) sont suffisantes pour éliminer la majorité des bactéries pathogènes, comme :

  • Listeria
  • Salmonelle
  • Staphylocoques

Ce traitement thermique n'est pas une pasteurisation (puisqu'on reste sous les 60°C), mais il permet déjà une réduction importante des risques sanitaires. C'est l'un des points forts du Comté.

🧫 Les bonnes bactéries : essentielles à la vie… et au goût !

Dans notre imaginaire, le mot "bactérie" est souvent associé à quelque chose de négatif. Pourtant, les bactéries sont partout, y compris dans notre système digestif, où elles jouent un le vital.
Sans elles, pas de digestion, pas de défenses immunitaires, et même plus de vie.

En fromagerie, il faut donc distinguer :

  • Les bactéries utiles, comme celles qu'on retrouve dans le lait cru ou les ferments lactiques, et qui enrichissent notre flore intestinale.
  • Les bactéries pathogènes, que l'on cherche à éliminer par hygiène stricte pour protéger les personnes vulné

🧀 Pourquoi garder un lait cru diversifié ?

L'enjeu du lait cru, c'est qu'il contient une très grande diversité de micro-organismes. Et cette diversité se retrouve dans les arômes du fromage. C'est ce qui rend chaque meule unique, et chaque fruitière différente.

👉 Si tous les Comtés avaient le même goût, deux usines suffiraient pour toute la Franche-Comté !
Mais ce n'est pas ce qu'on veut. Le Comté, c'est l'expression du terroir, de la ferme, du savoir-faire du fromager… et des bactéries !

Une fois la chauffe terminée, on va maintenir cette température pendant un petit moment, on appelle ça le « palier de cuisson ». Ce palier permet d'évacuer encore plus de sérum (le petit-lait), d'assécher le grain et de favoriser le travail des bactéries thermophiles, même si elles sont un peu en stress.
Ensuite, brassage 20 minutes à la même température, puis procéder au soutirage du caillé. Là, on va séparer le caillé (la partie solide) du lactosérum (la partie liquide), qui sera récupéré pour d'autres usages, comme l'alimentation animale ou la production de lactosérum en poudre.

Le caillé est ensuite mis dans des moules. C'est là qu'intervient une autre étape cruciale : le pressage. Le but, c'est de bien tasser la matière pour faire sortir encore plus d'eau, et obtenir une pâte bien compacte. On presse pendant plusieurs heures, parfois toute la nuit, avec une force progressive.

Ensuite vient le démoulage et salage à sec. Le sel a plusieurs rôles : il assaisonne, bien sûr, mais il aide aussi à la conservation et à la formation de la croûte.

Enfin, le fromage est prêt à partir en cave pour l'affinage, qui durera plusieurs mois, voire plusieurs années pour le comté. C'est pendant cette période que le fromage développe tous ses arômes, grâce à l'action combinée des bactéries, du sel, de l'humidité, de la température de la cave et du soin apporté par l'affineur.

Qu'est-ce qui différencie votre comté de celui d'une autre coopérative ?

Ce qui est le plus difficile dans notre métier, c'est de maîtriser l'infiniment petit. On travaille avec du vivant : des micro-organismes qu'on ne voit pas, et un lait qui change tous les jours. Le lait que l'on reçoit ce matin n'est jamais tout à fait le même que celui d'hier, ni que celui qu'on recevra demain. Pourtant, notre mission reste la même : faire un comté de qualité constante, reconnaissable, avec ce que la nature nous donne.

La force du lait cru, c'est aussi ça : il reflète son environnement. Chaque coopérative a son propre territoire, ses propres fermes, ses propres pratiques, et donc une identité microbienne unique. On ne peut pas copier le fromage du voisin, même en suivant exactement la même recette. Le goût, la texture, les arômes… tout découle de cette matière première vivante.

C'est pour cette raison qu'un comté fabriqué ici n'aura jamais tout à fait le même goût qu'un comté fabriqué ailleurs. Et c'est justement cette diversité et cette authenticité qu'on défend à travers notre savoir-faire.

"Pourquoi votre Comté est-il si bon ?"

"Ce n'est pas qu'une question de recette… c'est une histoire de passion et de patience !"

Chez nous, tout commence dans les prés du Plateau de Bouclans, où les vaches se régalent d'herbe fraîche et de fleurs sauvages. Les éleveurs travaillent avec amour pour nous offrir un lait d'exception, et nous, à la fromagerie, on fait le pari de ne rien gâcher.

"Notre secret ? On ne cherche pas à produire en masse, mais à créer des Comtés dont on est fiers à chaque étape, de la traite à l'affinage. »

"Est-ce que votre Comté a un goût particulier ?"

"Disons qu'il a du caractère… et qu'il nous réserve souvent des surprises !"

Certains y trouvent des notes de noisette, de caramel ou même de fleurs… Mais la vérité, c'est qu'un même Comté peut changer complètement en quelques semaines !

"Imaginez : on goûte une meule à 4 mois, et on se dit ‘Wow, c'est puissant !'. Deux mois plus tard, elle devient plus douce, plus fruitée… C'est comme si le fromage vivait sa petite vie en cave !"

Entre fromagers, on s'amuse même à faire des dégustations à l'aveugle… et parfois, on ne reconnaît même pas nos propres fromages ! "C'est ça qui est magique : chaque Comté est unique, comme une bouteille de grand cru."

La Fabrication du Comté : Une Alchimie entre Science et Tradition

"Fabriquer un Comté, c'est comme orchestrer une symphonie : chaque étape compte, et la patience est la clé." 
– Benoît, Maître Fromager

1
De la Cuve au Moule : La Naissance du Fromage

  • Chauffage & Brassage: Pendant 30 minutes, le lait est chauffé et brassé pour concentrer le caillé. Objectif ? Obtenir un grain ferme qui libère son petit-lait (le sérum), essentiel pour un fromage bien sec.
  • Moulage: Le mélange caillé/sérum est ensuite versé dans des moules perforés en inox. Comme un passoir géant, ils retiennent le futur Comté tandis que le sérum s'écoule.

2
Le Pressage : La Sculpture de la Meule
  • Pendant 6 heures minimum, la meule est pressée pour éliminer les derniers résidus de sérum et prendre sa forme ronde si caractéristique.
  • C'est aussi à ce moment que les bactéries lactiquesentrent en scène : elles digèrent le lactose (sucre du lait) et acidifient progressivement le fromage, faisant chuter son pH de 6,8 à 5,2 en une nuit !

"Ces bactéries, ce sont nos alliées invisibles. Leur mission ? Travailler sans relâche pour donner au Comté son goût unique. »

3
Les 3 Secrets de Conservation Naturelle

Le Comté, à l'origine, était une solution ingénieuse pour conserver le lait sans frigo ! Aujourd'hui encore, on utilise trois méthodes 100% naturelles :

  1. Le séchage: On retire l'excès d'eau pour concentrer les saveurs.
  2. L'acidification: Grâce aux bactéries, le fromage devient hostile aux microbes indésirables.
  3. Le sel: Un exhausteur de goût et conservateur ancestral.

"On pourrait accélérer le processus, mais ce serait trahir l'esprit du Comté. Un bon fromage, ça ne se bouscule pas ! »

4
L'Affinage : La Rendez-vous avec le Temps
  • Contrairement à certains fromages industriels, un Comté ne peut pas être "bricolé" pour mûrir en une semaine.
  • 12 à 24 mois en cavesont nécessaires pour développer ses arômes complexes. Un investissement coûteux… mais indispensable pour l'authenticité !

"Oui, stocker des meules pendant des mois coûte cher. Mais c'est le prix de la qualité. Et ça, chez nous, c'est non négociable."



    "En résumé : des vaches heureuses, des bactéries travailleuses, et des fromagers patients…
    Voilà la recette (secrète) d'un Comté du Plateau de Bouclans !" 🐄🧀

    Les bactéries et l'acidification du Comté

    Benoît :
    Une fois l'emprésurage terminé, on entre dans une phase de chauffage et de brassage, qui dure environ une demi-heure. Ces deux opérations ont un effet combiné : elles permettent au grain de se contracter. En chauffant et en brassant, on apporte de l'énergie au grain de caillé, ce qui favorise sa contraction et donc son durcissement. Ce durcissement entraîne un rejet supplémentaire de sérum, ce qui s'inscrit toujours dans la même logique : obtenir une pâte aussi sèche que possible, en amont du moulage.

    Quand le brassage est terminé, on procède au soutirage : on pompe le contenu de la cuve – c'est-à-dire le mélange caillé/sérum – qu'on envoie directement dans les moules en tôle inox micro-perforée. Ces moules agissent comme une passoire : ils retiennent la masse fromagère, tandis que le sérum s'écoule par gravité dans les bacs de récupération.

    Ensuite, le fromage est mis sous presse. Le pressage a trois rôles principaux :

    • Finaliser l'évacuation du sérum résiduel, notamment celui encore présent entre les grains,
    • Donner à la future meule de Comté sa forme,
    • Et surtout, amorcer la phase d'acidification. C'est une étape essentielle et longue, d'où un temps minimum de pressage de six heures. Cette durée est nécessaire pour permettre aux bactéries thermophiles de se développer de manière optimale.

    Développement bactérien et acidification

    Pendant le pressage, deux familles de bactéries thermophiles (résistantes aux températures élevées) vont entrer en activité. Ce sont des bactéries qu'on a préservées grâce au chauffage, car on monte jusqu'à 56 °C sans procéder à un refroidissement immédiat : la température redescend naturellement.

    Parmi ces bactéries, les streptocoques sont les plus rapides à se développer : ils commencent leur activité dans les deux à trois premières heures. Leur rôle est de consommer le lactose présent dans le lait. Le lactose étant le sucre principal du lait, il constitue la source d'énergie indispensable à la croissance bactérienne.

    Benoît :
    La bactérie, son but unique, c'est de se multiplier. Pour ça, elle a besoin d'énergie. Cette énergie, elle va la chercher dans le sucre du lait, c'est-à-dire le lactose. En le digérant, elle rejette de l'acide lactique, qui devient un chet métabolique mais qui a un effet structurant : il acidifie la pâte.

    On observe alors une chute significative du pH : on part d'un lait à environ 6,8 au moment de l'emprésurage, pour atteindre un pH autour de 5,2 au moment du démoulage, le lendemain matin. Cette acidification est continue pendant la phase de pressage, grâce à la chaleur résiduelle : la pâte, dense et encore chaude, reste autour de 25 °C le matin suivant, ce qui est suffisant pour maintenir une activité bactérienne significative toute la nuit.

    Une technologie traditionnelle de conservation

    Benoît :
    À l'origine, le Comté a été inventé pour conserver le lait. À une époque sans réfrigération, les solutions étaient limitées : il fallait choisir entre le sucre, le sel, ou le chage.

    La technologie fromagère du Comté combine ces trois leviers :

    1. Le séchage partiel, en éliminant mécaniquement l'eau dès les premières étapes (chauffage, brassage, pressage),
    2. L'acidification naturelle, provoquée par la fermentation lactique (développement des bactéries thermophiles),
    3. Et bien sûr, l'ajout de sel dans les étapes ultérieures.

    Ces trois facteurs ont une fonction principale : faire chuter l'activité de l'eau du produit, condition indispensable à sa conservation à long terme. C'est cette faible activité de l'eau, combinée à l'acidité et au sel, qui garantit la stabilité microbiologique du Comté et permet un affinage long.

    Benoît :
    Je pense que les affineurs d'époque ne comprenaient pas encore les mécanismes d'acidification, mais ils les intégraient naturellement dans leur pratique, parce qu'ils faisaient partie du procédé traditionnel. On peut comparer ça à la conservation au vinaigre : c'est bien l'acidité qui empêche le développement des bactéries pathogènes.

    Pourquoi ne pas accélérer les choses ?

    Benoît :
    Aujourd'hui, techniquement, on pourrait imaginer fabriquer un fromage qui a le goût d'un Comté 12 mois en quelques jours. Ce serait plus rentable. Moins de stockage, moins d'immobilisation financière. Un fromage qu'on vend une semaine après fabrication coûte bien moins cher à produire.

    Mais ce n'est pas notre démarche. Le Comté, c'est un produit vivant, biologique, traditionnel. Il a besoin de temps, de maturation, de respect du rythme des fermentations et des affinages. Le stock coûte cher, c'est vrai. Mais il fait partie intégrante de la nature du produit.

    Et c'est ça, en fin de compte, qui fait la qualité du Comté.

    Quelle est la taille et le poids d'une meule de comté ?

    Dans le cahier des charges du Comté, il y a une hauteur et une circonférence minimales et maximales à respecter. En pratique, on reste généralement sur une taille moyenne assez stable, mais il peut y avoir des écarts entre les meules.

    On observe un écart-type d'environ 20 à 30 litres de lait entre deux fabrications, ce qui peut représenter une différence de 3 à 4 kilos d'une meule à l'autre. Ces variations s'expliquent par plusieurs facteurs.

    D'abord, chaque fromagerie utilise des moules légèrement différents. Ensuite, il y a les variations de rendement du lait, liées à sa composition. Le lait ne contient pas la même quantité de matières grasses et de protéines tout au long de l'année. Par exemple, en automne, le lait est plus riche : il faut environ 370 litres pour fabriquer une meule. En ce moment, au mois de mai, il nous faut 400 litres pour produire le même fromage. Donc, rien que par la richesse du lait, on peut avoir une différence de 30 à 40 litres nécessaires par meule.

    Chez nous, le lait n'est pas standardisé : on travaille avec ce que les vaches produisent naturellement. Certains jours, le lait est un peu plus aqueux, d'autres jours il est plus concentré. On s'adapte.

    Un autre paramètre, c'est le nombre de meules qu'on fabrique par jour. En ce moment, on fait 48 à 49 meules par jour. Si on décide d'en faire 49, elles seront un peu plus petites. Si on en fait 48, elles seront un peu plus grosses. On ne garde jamais de lait d'un jour sur l'autre : on doit donc décider selon la quantité exacte disponible chaque jour.

    Enfin, il y a l'évolution du fromage dans le temps. Une meule fraîchement démoulée (à J+1) pèse environ 41 kilos. Mais en vieillissant, elle perd de l'eau. À 6 mois, la même meule pèsera plutôt 39 kilos. La perte est plus importante au début, puis elle ralentit à mesure que la croûte s'épaissit et que le fromage devient plus sec. Moins il reste d'humidité, moins il y a d'échanges avec l'air.

    Le sérum : origines et valorisation actuelle

    Historiquement, le petit-lait issu de la fabrication du fromage – appelé sérum – était entièrement réutilisé à la ferme. Chaque producteur transformait lui-même son lait ou le déposait dans de petites fruitières locales. Le volume de sérum généré était alors modeste et équivalent à celui du lait livré. Les éleveurs en disposaient comme ressource directe pour nourrir les porcs élevés sur place, généralement deux ou trois têtes par ferme. Ce modèle d'autoconsommation, basé sur une économie semi-autarcique, assurait une gestion circulaire et locale des sous-produits.

    Avec le développement de la filière Comté, la structuration des fromageries, la spécialisation des producteurs et l'augmentation des volumes laitiers motivée par la rentabilité croissante du lait à Comté, les flux de sérum ont connu une forte croissance. Aujourd'hui, dans certaines structures comme la nôtre, les volumes atteignent environ 5,8 millions de litres de lait transformés par an, générant autant de litres de sérum. Il y a quand même des gros élevages porcins dans la région.

    Si certaines fromageries disposent encore de porcheries intégrées, la majorité d'entre elles, comme la nôtre, valorisent désormais le sérum par voie industrielle. Le petit-lait est récupéré sous forme liquide par un opérateur spécialisé qui le traite en tour de séchage pour produire de la poudre de lactosérum. Ce processus d'évaporation permet de concentrer les composés d'intérêt encore présents dans le sérum : protéines résiduelles, lactose (le sucre du lait) et traces de matières grasses.

    Nous récupérons en interne les matières grasses perdues pendant la fabrication du Comté pour la fabrication de notre propre beurre. Le sérum épuré est ensuite orienté selon sa qualité vers plusieurs débouchés :

    • Nutrition infantile (poudres pour nourrissons) en cas de haute qualité microbiologique,
    • Industrie agroalimentaire (biscuits, plats préparés, etc.),
    • Ou à défaut, alimentation animale ou méthanisation (valorisation énergétique par production de biogaz).

    Ce type de poudre est peu coûteux et facilement intégrable dans des formulations industrielles. On la retrouve souvent sous les appellations : "poudre de lactosérum" ou "poudre issue de produit laitier" dans les listes d'ingrédients de nombreux produits alimentaires.

    Une diversification maîtrisée autour des produits laitiers

    À mon arrivée, la coopérative ne produisait plus que du Comté et du beurre. Un fromage à pâte molle au lait cru – baptisé « le Petit René » – avait été tenté quelque temps, mais sa production avait été stoppée environ un an avant que je prenne mes fonctions. La raison : des difficultés récurrentes de qualité.

    On m'a demandé si je souhaitais relancer cette pâte molle. J'ai rapidement donné mon avis : relancer un tel produit, en lait cru, à petite échelle, représente un vrai défi. Sur des volumes aussi limités, les coûts d'analyses microbiologiques sont élevés, et les exigences sanitaires doivent être drastiques. C'est une production délicate qui nécessite une hygiène irréprochable, une régularité parfaite… et le risque est trop important pour une petite structure comme la nôtre.

    J'ai donc proposé une autre voie : celle de la fabrication de yaourts, en lait pasteurisé. Le conseil d'administration a validé cette orientation, et dans la foulée, nous avons relancé également la production de fromage blanc et de lait en bouteille pasteurisé.

    Nous avons fait le choix de la pasteurisation pour ces produits frais : sur de petits volumes, c'est beaucoup plus simple à gérer du point de vue sanitaire. Cela nous permet de garantir une qualité constante, avec des contrôles maîtrisés.

    En parallèle, nous avons aussi conservé la fabrication de crème crue, comme cela se faisait déjà auparavant. C'est un produit très sensible, avec une DLC très courte, généralement inférieure à une semaine. Après ouverture, elle doit être consommée sous 3 jours. Contrairement aux crèmes industrielles à longue conservation (obtenues par pasteurisation ou stérilisation), notre crème est non pasteurisée, ce qui explique cette fragilité. Elle est donc produite à la demande et écoulée rapidement, sans stockage prolongé.

    Les yaourts : une production artisanale aux saveurs de saison

    Lorsque nous avons lancé la gamme de yaourts à la coopérative, notre volonté était claire : proposer un produit simple, local et responsable. Nous avons fait le choix du conditionnement en pot en verre de 50 cl, avec un système de consigne pour limiter les déchets. Comme nous n'avons pas de chaîne automatisée de conditionnement, le remplissage est entièrement manuel, ce qui demande du temps et de la rigueur, mais garantit un travail artisanal.

    Avec Alexandre, responsable des magasins, nous avons défini une offre cohérente : quatre parfums fruités en plus du yaourt nature, soit cinq références permanentes. Depuis son lancement il y a deux ans, cette gamme rencontre un vrai succès auprès de notre clientèle, séduite par l'authenticité et la qualité des produits.

    Le yaourt du mois : une nouveauté engagée

    Plutôt que d'élargir encore la gamme, nous avons décidé cette année d'introduire un yaourt du mois, au parfum éphémère et de saison. Cette initiative est née d'une réflexion conjointe avec Alexandre, pour apporter de la nouveauté sans complexifier la production.

    Nous avons commencé l'hiver dernier avec un yaourt à l'orange, un fruit emblématique de la saison froide. Le succès a été immédiat : les ventes ont rapidement égalé celles de notre best-seller, la myrtille. Au printemps, nous avons poursuivi avec la rhubarbe, et nous proposons l‘abricot pendant l'été, en lien avec les récoltes estivales. Ce principe permet non seulement de varier les plaisirs, mais aussi de créer un lien entre nos produits et les saisons.

    Une démarche qualitative, simple et saine

    Côté fabrication, nous utilisons uniquement des purées de fruits issues de l'agriculture biologique, afin d'éviter les conservateurs et les arômes artificiels. C'était une exigence forte d'Alexandre, pour répondre à l'attente des consommateurs de nos magasins : des recettes les plus courtes et naturelles possible.

    Bien que notre lait ne soit pas labellisé bio, nous avons fait le choix d'associer nos yaourts à des fruits bio, quitte à acheter nos purées deux fois plus cher que les versions conventionnelles. Ce parti pris qualité, nous l'assumons pleinement, car il fait partie de l'identité de notre coopérative.

    Le beurre de la Coopérative : un produit de caractère

    À mon arrivée, le beurre faisait déjà partie des produits proposés. Philippe en fabriquait, mais j'ai souhaité revisiter la recette. J'ai retravaillé le processus de maturation de la crème — une étape essentielle dans laquelle les bactéries se développent pour donner toute sa personnalité au beurre. Ce changement a vraiment fait la différence : le goût du beurre plaît beaucoup aujourd'hui, et certains clients viennent en magasin uniquement pour lui.

    Un beurre de consommation au goût authentique

    Ce n'est pas un beurre de pâtisserie, car ce type de beurre demande une régularité très précise en taux d'humidité, indispensable pour les recettes des grands pâtissiers. Nous, on travaille de manière artisanale, donc l'humidité peut légèrement varier d'un lot à l'autre. Et je n'ai pas la prétention de garantir une constance au gramme près.

    Mais ce n'est pas non plus un simple beurre de cuisson. Ce serait réducteur. C'est avant tout un beurre de consommation globale, avec une véritable identité gustative, très éloignée d'un beurre industriel standard. Nos clients ne reviennent pas seulement pour acheter local — ils reviennent pour le goût.

    Pourquoi développer des produits annexes à la Coopérative ?

    Chez nous, le beurre, les yaourts, le fromage blanc ou encore la crème ne sont pas là pour booster la rentabilité. Honnêtement, si l'objectif était uniquement économique, on ferait mieux de ne produire que du Comté : ce serait plus simple à gérer et tout aussi rentable.

    Mais on choisit de proposer ces produits complémentaires pour enrichir l'offre en magasin et donner accès à des produits locaux de qualité, qui ne sont pas disponibles ailleurs. Si on ne les fait pas, ce sont des géants comme Danone qui prennent toute la place.

    Nous avons une responsabilité en tant que producteurs : nourrir les gens autour de nous avec des produits sains, bons, et faits ici. C'est aussi une façon de donner de l'attrait au magasin, même si ce n'est pas directement mon rôle — les ventes ne changent rien à mon salaire. Mais je le fais par conviction, pour qu'on dise : « La Coopérative de Bouclans, ils font de bons produits. »

    Exigence de qualité avant tout

    Pour nous, faire un produit moyen n'a aucun sens. On avait envisagé de refaire de la mozzarella pour l'été, mais je n'ai jamais réussi à en faire une vraiment bonne. Plutôt que de proposer un produit juste « passable », j'ai préféré arrêter. Soit on fait les choses bien, soit on ne les fait pas.

    C'est cette exigence que j'applique aussi au beurre : s'il ne plaît pas, on arrête. Mais les retours sont bons, et ça, c'est notre meilleure récompense.

    Un lien constant entre fabrication et vente

    Ce qui est important pour nous, c'est le retour du terrain, de ceux qui sont en contact direct avec les clients. C'est grâce à eux qu'on peut faire évoluer nos recettes, adapter nos produits et rester en phase avec les attentes. Ce dialogue entre fabrication et vente est essentiel pour continuer à progresser.

    « Quels sont, selon vous, les atouts parfois méconnus du métier, notamment en termes de qualité de vie ? »

    Pour moi, c'est très clair : si on m'enlève la liberté que j'ai dans l'organisation de mes après-midis, je change de métier.
    Notre fabrication se fait le matin, sur un temps bien cadré. On sait à quelle heure on commence, on sait à peu près à quelle heure on finit. C'est un rythme soutenu, mais structuré. Et cette rigueur du matin nous permet ensuite de garder un temps l'après-midi que l'on peut organiser comme on veut.

    C'est précisément pour ça qu'on démoule le matin : si on repoussait cette étape à l'après-midi ou au soir, il faudrait revenir à la fromagerie à 18h. Et dans ce cas-là, entre midi et 18h, on reste bloqué, on ne peut rien prévoir, et surtout… on a encore la tête au travail.

    Aujourd'hui, mes gars savent qu'à midi, ils ont fini. Ils ont leur après-midi libre et ils reviennent seulement le lendemain matin, à 5h. Ça change tout, en termes de liberté d'esprit, de temps personnel, de qualité de vie.

    Dans mon cas, c'est un peu différent parce que j'ai d'autres responsabilités à gérer l'après-midi. Mais cette liberté-là reste essentielle : je peux choisir de déplacer certaines tâches, de prendre l'air quand il fait beau, de m'avancer quand il pleut… C'est une flexibilité rare dans beaucoup d'autres métiers.

    Et puis attention : on n'est pas dans le monde agricole pur. On est salariés d'une entreprise. On a des congés payés, des jours de repos, un week-end sur deux de libre. Quand quelqu'un travaille le week-end, il récupère un jour dans la semaine. Ce n'est pas le même système que celui des agriculteurs qui travaillent pour eux, sans filet, sans limite parfois.

    Un monde d'entreprise, pas seulement agricole

    Et ça, c'est une distinction importante : la fromagerie, c'est une entreprise. C'est un mode de fonctionnement avec ses règles, ses horaires, ses droits et ses devoirs. Ce n'est pas toujours simple à faire entendre, même au sein de la coopérative.

    Par exemple, notre président, qui est lui-même agriculteur, doit faire un vrai effort pour changer de posture quand il parle avec nous, salariés. Il ne peut pas venir avec une vision 100 % agricole. Car sinon, son discours ne colle ni avec la réalité des salariés, ni avec celle du fromager, ni avec les magasins.

    C'est la même chose pour les équipes des magasins : elles fonctionnent aussi comme une entreprise. Et ça demande parfois aux membres de la coopérative — qui ont souvent toujours travaillé pour eux-mêmes — d'apprendre à penser en mode entreprise. C'est une autre culture, un autre rapport au temps, au travail, à l'organisation.

    Moi, j'ai fait des études agricoles, mon oncle était agriculteur, j'ai beaucoup d'amis dans ce milieu… Je le connais bien. Mais je sais aussi que ce n'est pas le même monde. Et pour que tout fonctionne, chacun doit comprendre celui de l'autre.

    Pourquoi avoir choisi de travailler à la Coopérative du Plateau de Bouclans ?

    Travailler dans une coopérative, pour moi, c'était un choix évident.
    Je n'ai jamais été attiré par l'idée de « travailler pour ceux qui ont déjà trop d'argent », si je peux dire ça comme ça. Ce que je voulais éviter, c'était le modèle classique de l'entreprise privée où des actionnaires injectent de l'argent dans le seul but d'en retirer davantage, sans forcément s'intéresser à l'humain ou au territoire.

    Dans une coopérative, la richesse est redistribuée. C'est tout l'intérêt du modèle : les bénéfices — ou ce qu'on appelle « les dividendes » dans le monde de l'entreprise — sont réinjectés dans le système. Ils reviennent aux producteurs, et parfois aux salariés, si les producteurs jouent le jeu du partage. C'est une approche beaucoup plus équilibrée, plus juste à mes yeux.

    Je savais aussi que je ne voulais pas travailler dans une coopérative géante comme Sodial (même si c'est techniquement une coopérative). À cette échelle, la gestion se rapproche trop du fonctionnement d'une entreprise privée. On y retrouve les mêmes logiques financières : aller chercher des financements extérieurs, faire entrer de gros investisseurs, etc. Ce n'est pas ce que je recherche. Ce n'est plus vraiment l'esprit coop.

    À 25 ans, monter ma propre boîte dans la fromagerie, sans expérience et sans réseau solide, c'était trop risqué. Il aurait peut-être fallu me lancer comme acheteur de lait, ou tenter ma chance dans le privé — et il y en a dans le comté : Lactalis, par exemple, produit du comté sous sa marque Président. Beaucoup d'affineurs sont des structures privées aussi, comme JuraFlore.

    Mais ce n'était pas mon projet.
    Ce que je cherchais, c'était un modèle à taille humaine, enraciné dans un territoire, avec des producteurs locaux, des gens qu'on connaît, qu'on croise au quotidien. La fromagerie coopérative de Bouclans, c'était ça : un collectif de proximité, des producteurs qui sont aussi des voisins, parfois des amis. Et ça, ça donne du sens au travail.

    Quels sont les avantages de votre profession ?

    En tant que fromager, le principal avantage — pour moi en tout cas — c'est d'avoir toutes mes après-midis de libre. Celui qui n'a pas de difficulté à se lever tôt peut faire ses 6 ou 7 heures de travail le matin. À midi, il est chez lui, il mange tranquillement, il peut faire une sieste, puis démarrer une "deuxième journée" à sa guise. Pour lui, c'est vraiment un métier rêvé.

    En tant que maître-fromager, c'est un peu plus compliqué. On a moins de temps libre, car on gère toutes les contraintes de dernière minute. Par exemple, aujourd'hui, on a un robot en panne. Il va falloir appeler le réparateur. On peut aussi être sollicités à tout moment par les producteurs, 7 jours sur 7, car eux aussi peuvent rencontrer des problèmes. C'est une autre approche du métier, avec plus de responsabilités.

    Un autre avantage non négligeable, c'est le niveau de salaire. Dans la filière Comté, il y a une vraie pénurie de main-d'œuvre, donc pour attirer des personnes compétentes, il faut mettre les moyens. Globalement, on a de bonnes situations.

    Et puis il y a le côté relationnel, qui est essentiel dans le rôle de maître-fromager. On est en contact avec beaucoup de monde : les producteurs, les techniciens, les équipes, les partenaires… Ce n'est pas comme un ouvrier qui reste concentré sur la fabrication et qui ne voit que ses collègues de la fromagerie. Nous, on est connectés à toute la filière.

    Enfin, le modèle coopératif que nous avons ici, avec de petits sites et des directeurs de site qui gèrent comme s'il s'agissait de leur propre entreprise, ça reste une vraie richesse. Le but, c'est d'atteindre le meilleur équilibre entre qualité et rentabilité. Mais pour que ça fonctionne, il faut trouver la bonne personne pour chaque poste, et ce n'est pas toujours simple.

    Que pensez-vous des polémiques médiatiques récentes autour du Comté, notamment sur France Inter ?

    Franchement, ce sont des critiques qui viennent souvent de gens qui ne connaissent pas la filière. Et je pense qu'on ne devrait pas parler de ce qu'on ne connaît pas.

    Il y a beaucoup d'autres secteurs sur lesquels il serait plus pertinent de s'interroger avant de pointer du doigt le Comté. Je ne dis pas que nous sommes parfaits, loin de là. Oui, la production de lait a augmenté sur notre territoire. Oui, on produit plus de Comté qu'avant, en partie parce qu'on a récupéré une partie des volumes qui allaient autrefois à l'Emmental. Mais ce phénomène touche toute l'agriculture : les rendements ont augmenté partout, que ce soit pour les céréales, le lait ou l'herbe.

    Quand on améliore les pratiques, quand on prépare mieux les sols, qu'on maîtrise mieux la pousse de l'herbe, qu'on a plus de vaches sur une même surface, on a forcément plus de déjections, et donc, oui, plus de pollution potentielle. Mais c'est une réalité qui touche toute l'agriculture moderne, pas seulement la filière Comté.

    Et puis il faut garder une chose en tête : nous, on est là pour nourrir les gens. Ce n'est pas comme certains produits ultra-transformés… Je vais être un peu provocateur, mais prenez un exemple comme Nutella : est-ce que c'est là pour nourrir les gens, ou pour leur faire plaisir, voire pire ? Pourtant, personne ne leur tombe dessus. Nutella est toujours en rayons, vendu parfois au même prix au kilo que le Comté… Alors avant de nous pointer du doigt, il y aurait des millions d'autres produits à remettre en question.

    Cela dit, je ne nie pas notre responsabilité. On a notre part dans la pollution de rivières comme la Loue. Mais ce n'est pas uniquement à cause de nous. Il y a aussi la pression démographique.


    Regardez l'évolution de Morteau ou de Pontarlier depuis 50 ans : la population a explosé, l'urbanisation aussi. Moins de surfaces naturelles, plus d'imperméabilisation des sols, donc moins d'infiltration, plus de ruissellement, et donc plus de pollution. C'est un phénomène global.

    Une coopérative ancrée sur son territoire

    Ce qui fait vraiment la force de la Coopérative, c'est sa volonté de mailler le territoire avec plusieurs points de vente — et même récemment des distributeurs automatiques. C'est une vraie différence par rapport à d'autres structures. Et pour nous, c'est important, car on sent qu'on a un impact direct sur le tissu local.

    Là où je travaillais avant, du côté de Montlebon, il y avait une coopérative quasiment dans chaque village. Le territoire était vraiment couvert, aucun secteur n'était laissé de côté pour l'accès aux produits locaux. Ici, sur le Plateau de Bouclans, c'est un territoire très vaste. Si on n'avait qu'un seul magasin à Nancray, on laisserait une grande partie des habitants sans accès facile à nos produits. Donc ouvrir plusieurs magasins, ce n'est pas juste un choix stratégique, c'est presque un devoir.

    Il faut comprendre que la Coopérative de Bouclans est issue du regroupement de nombreuses petites fruitières. Pour que la fusion ait du sens et soit acceptée, il fallait maintenir des points de vente là où il y avait des fruitières. C'est ce qui s'est passé par exemple avec le magasin de Naisey-les-Granges : sa conservation était une condition à la fusion. Si tous les anciens adhérents avaient demandé la même chose, on aurait aujourd'hui 10 magasins !

    Installer un distributeur devant la fromagerie, c'est aussi une façon d'amener du local au plus près, sans que cela ne réponde uniquement à des logiques de rentabilité. Si on ne cherchait que le profit, on miserait tout sur le magasin le plus rentable, et on fermerait les autres. Mais ce n'est pas ça, la vision de la coopérative. On veut faire vivre tout le territoire.

    Une volonté forte de faire vivre le tissu local

    Ce qui est remarquable dans notre coopérative, c'est cette volonté affirmée de faire vivre le territoire, en multipliant les points de vente et même en installant récemment des distributeurs automatiques. Ça, c'est une vraie différence avec d'autres modèles. C'est une forme d'engagement concret pour garder le lien avec les habitants, partout sur le plateau.

    Et dans nos magasins, on ne se limite pas aux seuls produits de la coop. L'idée, c'est de proposer de quoi composer un vrai plateau de fromages, accompagné d'un petit verre de vin, d'un peu de chocolat… Des produits du coin, issus du secteur. C'est ça aussi l'ADN de notre offre : la diversité, la proximité, et le plaisir. On ne cherche pas à pousser notre seule marque comme peuvent le faire certaines grandes surfaces. Là-bas, le but est de vendre leur propre gamme et d'y glisser quelques produits locaux « pour la forme ». Chez nous, c'est l'inverse : on veut représenter toute la richesse locale.

    D'ailleurs, on va même jusqu'à proposer des produits qui sont en concurrence directe avec le Comté. Par exemple, Alexandre propose parfois une autre pâte pressée cuite que la nôtre. Dans mon ancien poste, vendre de l'Emmental, c'était impensable : il était vu comme un rival du Comté. Ici, à la coop, on en vend, et j'ai toujours défendu cette ouverture. Car l'Emmental, c'est aussi un produit local, avec une identité différente. Il a toute sa place.

    Il faut faire attention à ce que le Comté ne prenne pas toute la place, qu'il ne « bouffe pas » toute l'agriculture locale. Il reste encore des éleveurs de chèvres, qui produisent en toute petite quantité car le Comté occupe une grosse part du territoire. Mais sur le premier plateau, on a encore de la diversité : des cultures céréalières, des fermes en lait standard... Il faut préserver cette variété.

    Plus on monte en altitude, plus le Comté devient naturellement dominant, parce que le climat s'y prête. Mais dans les zones de plaine, il est important de garder une agriculture diversifiée, et nos magasins participent à ça, en valorisant des produits locaux qui ne sont pas forcément sous AOP Comté. C'est presque un devoir, si on veut faire vivre tous les types d'exploitations du territoire.

    Le nouveau cahier des charges

    Un nouveau cahier des charges va entrer en vigueur cet été, avec un renforcement des règles, notamment sur la production de lait. L'un des changements importants, c'est la limitation de la taille des exploitations, pour éviter la dérive vers des « usines à lait ».

    C'est une bonne chose. Pour nous, c'est essentiel de préserver un modèle avec des petites fromageries, où le savoir-faire artisanal reste vivant. Il y a quelques années déjà, le cahier des charges avait interdit l'utilisation des robots de traite, justement pour maintenir le lien entre l'éleveur et l'animal. Ce contact humain fait partie de l'ADN de la filière Comté.

    Dans notre filière, il y a une volonté constante de se fixer des limites, pour ne pas basculer dans la production industrielle à outrance. On veut garder un équilibre, rester à taille humaine, préserver la qualité, le territoire, et les savoir-faire.

    Une vision engagée de l'agriculture et du modèle Comté

    Travailler dans la filière Comté, c'est aussi bénéficier d'un modèle économique stable, sans avoir besoin de produire de très gros volumes de lait. Si on compare avec un producteur en lait standard, c'est le jour et la nuit. En standard, si on ne fait pas de volume, on ne s'en sort pas : la ferme n'est pas rentable, et elle finit par fermer. Alors qu'en Comté, on peut très bien vivre avec une production modeste, à condition d'avoir un train de vie raisonnable et de faire attention à ses dépenses.

    Bien sûr, celui qui veut produire beaucoup de lait devra investir massivement : il lui faudra du matériel, des bâtiments, de la mécanisation… Mais dans la filière Comté, la différence de rentabilité entre une ferme très intensive et une ferme plus extensive n'est pas si grande. C'est surtout une question de mode de vie, de charge de travail, de choix personnels.

    Dans l'agriculture standard, celui qui ne pousse pas tous les leviers de la productivité ne s'en sort pas. Il est sous pression permanente, il n'aime plus son métier, il n'arrive plus à investir. Ceux qui tiennent, ce sont ceux qui enchaînent les investissements lourds. Mais est-ce vraiment ce qu'on veut pour l'agriculture française ?

    Pour moi, non. Mais tout le monde ne partage pas cette vision. Est-ce qu'on veut se rapprocher du modèle allemand, avec ses usines à lait et ses exploitations surdimensionnées ? Ou pire encore, du modèle américain ? Pourtant, l'Allemagne a un territoire similaire au nôtre, et pourtant une agriculture totalement différente.

    En France, on a encore la chance d'avoir des races locales, des vaches traditionnelles, gardées par des producteurs passionnés. Pas uniquement pour la rentabilité, mais aussi par amour du territoire. Ce qui permet cela, c'est la valorisation par des produits AOP comme le Comté, qui rémunèrent correctement les éleveurs.

    Si la rentabilité seule comptait, tout le monde élèverait des Prim'Holstein pour faire un maximum de litres. Mais le Comté, c'est un modèle qui tire toute une filière vers le haut. Un peu comme le drapeau dans une marche populaire : c'est lui qui est devant, qui donne le rythme, et les autres produits suivent derrière.

    C'est pour ça qu'il faut qu'on tienne ce modèle, qu'on continue à le défendre. Si le Comté chute, c'est toute la filière lait cru qui vacille. Prenez le Morbier par exemple : on commence à avoir des difficultés, notamment avec le lait cru. Si on lâche là-dessus, c'est l'ensemble des petites AOP qui est en danger.

    Regardez ce qui s'est passé avec le camembert au lait cru : autrefois une fierté nationale, aujourd'hui il ne représente plus qu'une infime part de la production. On ne peut pas se permettre que la même chose arrive au Morbier, ou à d'autres.

    Notre travail quotidien ne se voit pas toujours, et n'est pas toujours reconnu — on l'a encore vu récemment avec les critiques entendues sur France Inter. Mais si on ne se bat pas, si on baisse les bras, en cinq ans une filière peut s'effondrer. Et quand elle tombe, c'est souvent pour de bon.

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